33 & 36 Rue de Seine, 75006, Paris, France
Open: Mon-Sat 10.30am-7.30pm
Fri 7 Mar 2025 to Sat 26 Apr 2025
33 & 36 Rue de Seine, 75006 Julien Berthier: Passion Potelet
Mon-Sat 10.30am-7.30pm
Artist: Julien Berthier
Ever since I spoke with Julien Berthier, I haven’t been able to stop looking at the bollards scattered throughout every city. Until now, I hadn't found much interest in these rather bland vertical elements. Much like anyone else, I'd skirted around them. I'd had a bit of a grudge against them, aware that parking on sidewalks should never be an option, although... I remember I'd often tried to tie my bike to them when I was younger. I know that my son and I used to play with the idea of straddling them without fear. But I confess I never really looked at them.
So, for the past few days, I've been unable to keep my eyes off them. They all look the same, but there are many variations. And none of their shapes are simple. Each bollard must have been carefully designed (...)
The elegant silhouettes of steel bollards, for which Julien Berthier has an unsettling passion, are like punctuation marks in urban spaces. A bollard rarely stands alone. They are often part of a suite or series. Together, they trace lines along sidewalks, park edges and sports facilities. They temporize possibilities and accentuate levels.
If the city were a chessboard, they'd be its pawns, which we poor chess players only regret as the game progresses. They have nothing going for them, except their group cohesion. Their space is that which links them to others or to an architectural element, a wall, a fence, a palisade or even a tree. In itself, a bollard seems such a small thing that it's never really discussed. In the shared location that is public space, there are few inclusions that are not the subject of discussion. Even if I don't pay much attention to municipal debates, I don't seem to have heard of any exciting exchanges for or against the installation of bollards. The bollard is a quasi-furtive object, the solution to all urban planning failures.
After all, why put up bollards if not to correct errors in thinking about the sharing of common space? They are like the meshes of a net. They keep the different flows at a distance from each other. They are the virtuous correctors of theoretical thinking about shared spaces, dear to architects and urban planners. They are like the stitches of a small seam, distinguishing the paths of some from the daydreams of others. The public space is theirs, and they brighten it by their mere presence. Their value in usage is open to interpretation, but there is little room for misappropriation. They exist to enable us to be together.
I really hadn't thought about it until I spoke with Julien Berthier. But since then, I've grown so fond of these little pawns that I wonder whether they might not be the exact metaphor for what can still make artistic work relevant in the public space. We no longer expect towers to rise, monumental queens to freeze, equestrian statues to trample our flowerbeds, or a few bishops to zigzag through the rosebushes, but rather for weak elements to weave links between themselves to keep our spaces porous yet supportive of others. I don't know if I have a passion for them, but now I look at them and might even envy them for being what they are: poetic elements of a city capable of understanding without signposts or bans.
Samuel Gross
The full text will be published in Passion Potelet, the magazine / exhibition catalog
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Depuis que j’ai parlé avec Julien Berthier je ne peux m’empêcher de regarder les potelets qui sont disséminés dans toutes les villes. Jusqu’ici je ne m’étais pas trop intéressé à ces éléments verticaux assez insipides à mon goût. Comme tout le monde, je les avais contournés. J’avais pesté un peu contre eux conscient que me garer sur les trottoirs ne devait en aucun cas être une option, sauf que... Je me souviens que j’avais souvent tenté d’y attacher mon vélo, plus jeune. Je sais qu’avec mon fils on a longtemps joué à s’imaginer les enjamber sans avoir peur. Mais jamais, je l’avoue, je ne les avais regardés.
Donc, depuis quelques jours, je n’arrive plus à ne pas les voir. Ils semblent tous identiques, mais connaissent de nombreuses variantes. D’ailleurs, aucune de leur forme n’est simple. Chaque modèle de potelet doit avoir été dessiné avec attention. (...)
Les élégantes silhouettes des potelets d’acier, pour lesquelles Julien Berthier éprouve une passion troublante, sont comme des éléments de ponctuation dans les espaces urbains. Un potelet est rarement seul. Il fait souvent partie d’une suite ou d’une série. Ensemble, ils tracent des lignes, le long des trottoirs, en bordure de parc, autour des installations sportives. Ils temporisent les possibles et accentuent les niveaux.
Si la ville devait être un échiquier, ils seraient ses pions que nous ne faisons que regretter, nous les piètres joueurs d’échecs, quand la partie avance. Ils n’ont rien pour eux, si ce n’est leur cohésion de groupe. Leur espace est celui qui le lie avec les autres ou qui le lie à un élément architectural, un mur, une barrière, une palissade voire un arbre. En soi, un potelet semble être tellement peu de choses qu’il n’est jamais vraiment discuté. Dans l’espace commun qu’est l’espace public, rares sont les inclusions qui ne soient pas sujet de discussion. Même si je ne suis pas très attentif aux débats municipaux, il ne me semble pas avoir eu vent de passionnants échanges pour ou contre l’installation de potelets. Le potelet est un objet quasi-furtif, solution de tous les échecs urbanistiques.
En effet, pourquoi pose-t-on des potelets, si ce n’est pour corriger des erreurs de la pensée du partage de l’espace commun. Ils sont comme les mailles d’un filet. Ce sont eux qui permettent de tenir les différents flots à distance les uns les autres. Ce sont les correcteurs vertueux de la pensée théorique des espaces partagés, chers aux architectes et urbanistes. Ils sont comme les points d’une petite couture en surfil distinguant les parcours des uns, des rêveries des autres. L’espace public est le leur, qu’ils éclaircissent par leur simple présence. Leur valeur d’usage est libre d’interprétation mais ne connaît que peu de détournement. Ils existent pour nous permettre d’être ensemble.
Je n’y avais vraiment pas fait attention avant de parler avec Julien Berthier. Mais depuis, j’aime ces petits pions au point que je me demande s’ils ne seraient pas l’exacte métaphore de ce qui peut encore rendre un travail artistique pertinent dans l’espace public. Nous ne nous attendons plus à ce que s’élèvent des tours, que se figent de monumentales reines, que des statues équestres piétinent nos platebandes, ou que quelques fous zigzaguent dans les rosiers, mais bien plus que des éléments faibles tissent des liens entre eux pour maintenir nos espaces poreux mais solidaires des autres. Je ne sais pas si j’éprouve avec lui une passion potelet, mais maintenant je les regarde et je pourrais même les envier peut-être d’être ce qu’ils sont : des éléments poétiques d’une ville capable de se comprendre sans signe ni interdiction.
Samuel Gross
L’intégralité du texte sera publiée dans Passion Potelet, le magazine / catalogue de l’exposition